Quand la température avoisine les 30°C sur Lyon, le peu d’air qui circule mélangé à l’odeur de bière rappelle que l’événement était complet. Lorsque l’on se rend au théâtre antique, on aperçoit cette robe de pierre chauffée par un soleil brûlant. On y découvre aussi une scène à demi-bâchée, et un immense drap imprimé de la pochette du disque Cocoa Sugar.
A 21 heures précises, les musiciens d’Édimbourg débarquent confiants pour leur représentation (ils tournent avec la tête d’affiche depuis 2016). Young Fathers, c’est un style hip-hop, énervé, et des samples barrés. Les 3 chanteurs sont hyperactifs, et se passent tour à tour le micro entre deux mouvements de hanches. Les couleurs vocales dû au mélange fonctionnent à merveille, et feraient, des fois penser à des chants éraillés de supporters, dans le style de WU LYF. D’ailleurs, on pourrait considérer cette musique répétitive comme proche de l’esprit de transe. Si Young Fathers donnent à voir autant qu’à entendre, c’est parce qu’en l’espace de cinq minutes, chaque spectateur a repéré les mouvements amples et abusifs du percussionniste.
Surprenant et drôle dans un premier temps, ce musicien en devient énervant par l’usure. Néanmoins, on est captivés par les vocalistes showmen et virtuoses. Le public lyonnais est tout de même timide face au coup envoyé en plein visage. Un bémol que l’on explique par un manque de définition du son dans les enceintes, puisque les instruments gobent parfois les paroles. Le set se déroule à la vitesse de l’éclair, sans beaucoup de moments de pause. Les mimiques du groupe n’ont certes pas plu à l’ensemble d’une foule trop statique (pourtant encouragée par la prestance). Mais les garçons nous font connaitre des hits de leur nouveau disque. Plutôt agréable à découvrir ces temps-ci.
Après les derniers réglages, les maitres du trip-hop, Massive Attack, se mettent en place dans l’obscurité. Horace Andy est derrière le microphone pour Hymn Of The Big Wheel, un bon moyen de rentrer avec plénitude dans le concert. L’écran géant installé semble parler et nous envoie écrit des messages après nous avoir salués. Massive Attack nous dévoile ses arts graphiques, et sa pensée qui rejette violemment la société de consommation. Durant cette ouverture, le texte à LED défilantes inscrit : « qu’est-ce que l’altruisme ? », « il y a-t-il un sens à la mort ? » ou encore « pourquoi sommes-nous là ? ». Le débarquement dans la navette a fait son effet.
Les basses font trembler les gradins quand le single Risingson démarre. L’extrait de Mezzanine est mis en images par un univers bicolore à fort volume sonore. Instrumentalement implacable, le collectif de Bristol joue avec osmose. Il est intéressant de voir la force avec laquelle la formation est impliquée dans son jeu scénique, que l’on vit comme art total. Les yeux des spectateurs trainent autant sur l’écran, que sur les silhouettes mises en lumière comme au théâtre. La pièce a, bien sûr, des scènes marquantes. Lors de Future Proof, le groupe donne à voir une suite de 0 et de 1 sur un rouge sombre. Les six minutes de musique ont servi à prendre le public par la main, pour l’emmener dans le monde idéal où ne régnerait plus la moindre corruption de l’ordre. Surprise aussi quand Young Fathers reviennent chanter Voodoo In My Blood.
Les messages diffusés affluent, et montrent un dégout du « gros Trump », et d’un tout autre tas de remarques désobligeantes envers les politiques actuels. Toujours sous atmosphères ralenties, l’interprétation de Angel est dûment applaudie par les fans ébahis, et restés sans voix. Rien, absolument rien ne perturbe la machine. Le groupe repart de plus belle avec Inertia Creeps ; et Déborah Miller se remarque sur scène. Encore une fois, tout se mêle par une maitrise juste. Les musiciens modestes ajoutent un « merci beaucoup Lyon », mais ne vont guère plus loin dans les dires. Ainsi, cette ambiance qui appelle à la solidarité rapproche la population sur les sujets aussi sérieux que la famine dans le monde, ou l’économie. Elle n’est pas altérée quand Safe From Motiveencore et encore : le duo basse-batterie est comme deux aiguilles d’une horloge isochrone.
Pour le final, le rappel anime le sentiment d’être rassuré avant de partir. Take It There, le fabuleux Unfinished Symphony qui courtise la foule, et le jovial Splitting The Atom sortent de toutes lèvres.
Massive Attack se démarquent singulièrement en live. Bien qu’il manque la fameuse Teardrop, l’équipe de perfectionnistes est remerciée. Les coussins verts volent en spirale, et amusent les personnalités de Bristol. Elles repartent aussitôt après un dernier salut. Le théâtre est finalement devenu un cinéma. Le sujet du film est prenant, tout comme sa bande sonore. La descente par le funiculaire du vieux Lyon en est la porte de sortie.
Simon