Rock Critic #9 : Jade – 21 Pilots à l’Hippodrome de Paris Longchamp

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20 juillet 2019. L’hippodrome de Paris Longchamp s’est transformé en bulle musicale. Le soleil est au rendez-vous, les looks extravagants sont de sortie, et les sourires sont sur tous les visages. J’attends ce jour depuis l’annonce de la programmation quelques mois auparavant : Twenty One Pilots fera le show a 21h45 sur la Main Stage 1. Je suis à proximité de la scène depuis 18 heures. Pas question de les voir sur les écrans géants, je veux être au plus près de l’action. Le concert précédant celui de mon groupe favori touche à sa fin et la foule se disperse. J’en profite et me faufiler à contre-sens de la marée humaine. Après quelques minutes, je réussis à trouver la place idéale et m’assois à même le sol, comme bon nombre de personnes autour de moi. La plupart portent des tee-shirts à l’effigie de Twenty One Pilots. Plus de 3 heures nous séparent du début du concert, le temps nous parait déjà s’étirer à l’infini. Alors, on parle, on rit, on s’échange des anecdotes. Des australiens me confient avoir fait le voyage spécialement pour voir le groupe sur scène. 21h40, la pression monte. Les gens autour de moi se relèvent comme un seul homme, je les imite. On entend déjà les fans chanter les tubes du groupe en chœur. Le jaune, couleur du dernier album du groupe, domine. L’air ambiant est très lourd, à la limite de l’étouffant. Je commence à piétiner, impatiente. Au loin, sur l’autre scène, Orelsan termine son dernier morceau. Le silence ne dure que quelques secondes et soudain, les lumières de la Main Stage 1 s’assombrissent, et une silhouette apparait, une torche à la main. C’est Josh Dun, un des deux membres du groupe. Les smartphones apparaissent subitement au-dessus des têtes, m’obscurcissant un peu la vue. Je me mets sur la pointe des pieds, me tord le cou. Tout va bien, j’ai une vue imprenable sur le batteur du groupe. Les cris de la foule m’emplissent les oreilles et je sens arriver les papillons au creux de mon estomac et la chair de poule sur mes bras, caractéristiques incontestables de l’excitation. Tous ceux qui disent que l’amour est une sensation inégalée n’ont surement jamais vu leurs artistes favoris sur scène. Ils sont là. La première pensée qui me vient à cet instant, c’est que je respire le même air qu’eux. Je me sens privilégiée. Les premières notes de Jumpsuit résonnent puissamment et je me mets à crier en chœur avec la foule. Ma petite soeur est à côté de moi et je lui jette un coup d’œil. On se met à rire : nous pleurons toutes les deux. De joie, incontestablement. Tyler Joseph, le chanteur, apparait à son tour et le concert commence. Pour de vrai. Je hurle les paroles en même temps que les milliers de personnes présentes. L’air est lourd. La chaleur est presque insoutenable. Ça ne m’empêche pas de sauter frénétiquement au rythme de la mélodie. Et soudain, comme un signe, une pluie torrentielle s’abat sur l’Hippodrome. Tout le monde se met à crier de plus belle, revigoré par cet élan de fraîcheur inespéré. Je jette des regards autour de moi : une jeune fille, à peine plus de 13 ans, sort son portable pour immortaliser le moment. Elle est en larmes. Elle me regarde et me crie  » ils sont là !  » et nous pleurons de concert, le sourire aux lèvres. À ma droite, un homme d’une cinquantaine d’années hurle chaque mot de la première chanson de la prestation. Je me joins à lui, euphorisée. Ils sont là. Juste devant moi. La sensation ressentie est inexplicable. Les tubes se succèdent, l’ambiance est fabuleuse, les deux membres du groupe nous offrent un concert hors du temps, enchainant les acrobaties, les prouesses musicales et les effets spéciaux. J’avais déjà eu le privilège de les voir sur scène, mais ils continuent de m’impressionner. Ils courent partout, sautent, partagent avec le public. Ils nous offrent même un court discours en français. On ne comprend pas tout, mais on applaudit bruyamment. Enfin, les premières notes de ma chanson préférée se font entendre, et le temps s’arrête pour de bon. Tout ce que j’avais en tête disparaît, mon sourire s’élargit encore davantage, alors que je ne croyais pas cela possible. La chanson commence calmement, et monte en puissance au fur et à mesure avant d’atteindre son apogée avec un air électro galvanisant. La foule est déchainée et se balade de droite à gauche, comme une seule et même entité.́ emportée par la musique. Le chanteur pousse un dernier cri presque surhumain et la chanson s’achève. Je viens d’entendre Car Radio en live et je ne réalise pas. Le concert se poursuit, et je continue de chanter à tue-tête toutes les paroles. Je connais chaque chanson par cœur et je ne me prive pas pour le faire savoir. Le temps passe sans que je ne m’en rende compte, quand le grand final pointe le bout de son nez. On commence la chanson  » Trees  » à la manière d’une ballade. Parallèlement, deux grosses caisses installées sur des plateformes sont placées au milieu de la foule. La fin du morceau approche, et les deux membres du groupe quittent la scène pour les plateformes. Je peux presque toucher le chanteur. La chanson augmente en intensité., et soudain, Tyler Joseph et Josh Dun se mettent à taper frénétiquement sur les grosses caisses, en faisant chanter le public. Des confettis jaunes et blancs jaillissent de toute part. L’ambiance est à son paroxysme, je sais que le concert se termine. Je profite de chaque seconde avant que ma bulle de bonheur n’éclate en m.me temps que les derniers accords. C’est une sensation étrange. J’avais arrêté de pleurer, et pourtant, les larmes recommencent à couler. Le morceau s’achève, les confettis continuent de tomber. C’est la fin. Mes deux idoles remercient longuement leur public et disparaissent dans les backstages sous les cris assourdissants et les applaudissements énergiques de la foule. C’est la fin du plus beau concert de ma vie, et je pleure et disant à qui veut l’entendre que c’était extraordinaire. La foule se disperse rapidement : Martin Garrix doit commencer son set dans quelques minutes. Pour être honnête, en cet instant précis, je n’y prête aucune attention. Les images du concert et les sensations ressenties s’estompent peu à peu, et j’essaye de faire durer le plaisir encore quelques instants. Je tiens précieusement les confettis au creux de mes mains, seule preuve matérielle que tout ce que je viens de vivre était réel. C’est ce qu’il y a de magique avec la musique : les émotions sont souvent contradictoires, et les larmes et les sourires se mélangent harmonieusement. Parfois, tout cela est tellement puissant que ça vous emporte dans un autre temps, un autre monde, et on en redemande sans cesse. Les frontières, les croyances n’existent plus : tout le monde  est réuni dans une humeur identique de douce euphorie. Je n’ai jamais vu autant de gens heureux que lors d’un concert, et cela vaut tous les antidépresseurs du monde.

Jade

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